L’humour chez l’enfant7 minutes de lecture

Introduction

Nous nous sommes intéressés au travail d’Evelyne Thommen et Cécilia Suchet de l’université de Poitiers et l’université de Fribourg. Leur recherche, intitulée « humour et intentionnalité chez l’enfant: incongruités de propriétés entre l’homme et l’animal, publiée en 1999, porte sur l’acquisition des théories de l’esprit chez l’enfant, et prend la compréhension de l’humour comme indicateur de cette acquisition. Elles considèrent que la capacité expliquer des ressorts humoristiques relativement complexes est un indice de l’aptitude de l’enfant à attribuer des intentions aux autres en fonction, non pas de ce que sait l’enfant, mais des caractéristiques du personnage et de sa perception de la situation, ce qu’il sait ou ne sait pas. De ce fait leurs travaux se sont basés sur l’étude de la compréhension de l’humour chez l’enfant, et de l’évolution de celle-ci au cours de son développement. A cette fin elles se sont centrées sur des situations jouant sur les caractéristiques et distinctions entre homme et animal.

Ziv et Ziv (2002) définissent le sens de l’humour comme étant « l’aptitude à percevoir, à créer et à exprimer (par des mots ou des gestes) des liens originaux entre des êtres, des objets ou des idées, liens qui font (sou)rire celui à qui on les communique car il les comprend et les apprécie. « 

Mc Ghee considère que l’humour chez l’enfant se partage entre différentes causalités: les incongruités de formes (caricatures), les juxtapositions incongrues (appeler intentionnellement un objet de façon inappropriée), les incongruités de concepts (vélo avec des roues carrées) puis le sens ambigu de mots (blagues carambar). Freud y ajoute le comique naïf (jeux sur les sons), le comique d’imitation (matérialité d’une métaphore), le comique d’attente (qui se rapproche du nonsense, basé sur des fautes de raisonnement) ]

Evelyne Tommen se base sur 4 propositions : Chez l’enfant, la conception de l’humour est basée sur une violation des caractéristiques d’un objet. L’enfant de 5 ou 6 ans apprécie les resorts humoristiques basés sur des aspects perceptifs. S’il n’arrive pas à expliquer une situation comique, il inventera une raison de son cru. Les explications du ressort humoristique sont de plus en plus fréquentes avec l’âge, le point pivot se situe aux alentours de 7 ans, mais les explications ne sont totalement correctes avant 10 ou 12 ans, période à laquelle la théorisation de l’esprit s’achève chez l’enfant.

Dans le contexte de cette expérience, la théorisation de l’esprit chez l’enfant était observé à travers la capacité ou non à comprendre et/ou expliquer des ressorts comiques basés soit sur l’inversion de caractéristiques humaines et animales, soit sur l’acquisition ou la perte d’une caractéristique chez l’animal. Dans le premier cas, le ressort humoristique est explicite, alors que dans le second il nécessite l’élaboration par l’enfant de cette incongruité, dont le référent est absent dans l’image.

Nous nous sommes fortement inspirés de la méthode utilisée par Thommen, en changeant quelques détails selon nos possibilités et intérêts. Entre autre, nous avons élargi les types de ressorts humoristiques qui rentraient en jeu dans le choix dessins soumis aux enfants, et avons modifié l’ordre de certains tâches, en avons simplifié d’autres.

Population

Au cours de ce travail, nous avons interrogé quatre enfants âgés de 5 ans et demi pour deux d’entre eux, sept ans et huit ans qui ne se connaissaient pas et de façon séparée.

Matériel

Nous avons dans un premier temps construit une grille d’évaluation. Elle se compose d’une première colonne indiquant le numéro de l’image. les trois colonnes suivante permettent de noter les réactions de l’enfant (sourire, grand sourire, rire). la colonne suivante nous a permis de noter le classement que l’image a fait de l’enfant (drôle codée 1 ou pas drôle codé 0). enfin la dernière colonne nous a servi à prendre des note sur les explications fournies par l’enfant à propos du ressort humoristique.

Nous avons ensuite sélectionné les dessins humoristiques que nous présenterions aux enfants, selon les mécanismes sur lesquels se base l’humour présent dans l’image : tois images présentant une incongruité liée à l’inversion de rôle entre homme et animal, deux mettant en scène une acquisition d’une caractéristique qui ne correspond pas à l’animal représenté. Par exemple, de grenouilles mangeant à table. Pour deux autres dessins, le processus humoristique est lié à l’absurdité d’une situation, comme une trompette dont l’embout est un arrosoir et dont sort de l’eau qui arrose une plate, enfin, trois images témoignaient d’une absence de ressort humoristique. Afin de permettre à l’enfant de trier plus facilement les dessins nous avons aussi imprimé deux planches comportant un smiley souriant sur l’une, et un smiley mécontant sur l’autre.

Procédure

Nous avons présenté tous les dessins un par un à l’enfant, lui laissant regarder l’image le temps qu’il désirait et notant ses réactions, par exemple si la vue de l’image provoquait chez lui un sourire, grand sourire, rire ou le laissait indifférent, nous le notions dans la grille dobservation. Dans un second temps, nous lui avons demandé de classer les images en deux piles, si il les a trouvées drôles, il faut les poser sur la feuille avec le visage suriant, sinon sur celle avec le visage mécontent. Une fois ce classement fait, nous avons demandé à l’enfant de nous expliquer, pour chaque image, ce qu’il a trouvé drôle et pourquoi cela était drôle. Nous avons ensuite analysé les réponses pour voir si le ressort comique était passé inaperçu, compris, simplement mentionné ou explicité.

Discussion

Dans l’expérience de Thommen & Suchet, les enfants de cinq ans ont une appréciation globalement positive des images, indépendamment de la présence ou non de ressort humoristique dans le dessin. Dans notre échantillon, les plus jeunes enfant n’a pas permis de confirmer cela, étant donné qu’ils n’ont pas nécessairement trouvé tous les dessins drôles.

A partir de sept ans, le dessins non drôles sont jugés comme tel, les explications concernant les ressorts humoristiques apparaissent mais restent relativement rares. Les dessins dans lesquels sont présentés des paires d’actions incongrues semblent mieux comprises, chacun des personnages renvoyant à l’autre; les ressorts explicites sont compris. Sept ans serait donc l’âge pivot dans la compréhension des ressorts humoristique.

Ainsi, Marion, huit ans et demis à bien mieux compris les dessins comprenant les inversions de rôles (trois dessins sur trois) que Davon, cinq ans et demi ; et a réagit positivement aux illustrations comportant les situations absurdes en décrivant précisément le ressort comique comparé à Luc, cinq ans et demi qui ne semble pas avoir compris le sens des images.

En revanche, dans le cas où l’incongruité est liée à la perte d’une propriété qui n’est pas présentée ailleurs dans l’image, ce n’est qu’aux environs de 9 ans que l’enfant est capable de résoudre l’incongruité en pensée, sans support visuel qui facilite cette tâche. Cette capacité à se représenter les actions possibles n’est maitrisée qu’à 12 ans.

Pauline, 7 ans, a en effet très clairement repéré les inversions de rôle, mais avait du mal à expliciter les gains de caractéristiques, bien qu’elle repérait l’existence de ce ressort comique et y a réagit de façon positive, elle n’a pa été capable de mettre des mots sur le ressort comique et a fini par inventer d’autres causes possibles.

Les réponses de nos participants s’accordent avec les résultats obtenus par Thommen & Suchet. Plus l’enfant est âgé plus il est à même de voir, comprendre et expliquer des ressorts comiques de plus en plus subtils, et requérant de plus en plus d’inférences concernant les croyances et points de vue d’autrui, présents dans telle ou telle image.

 

Etude réalisée par LC. LM. MB. SC. étudiants en L2 psychologie à l’UTM sous la direction de Soren Frappart.

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