Quel est le projet de la clinique ? Définitions et clivages du débat contemporain
L’essor de la clinique prend place après la seconde guerre mondiale à partir de la conférence de Daniel Lagache en 1949 à la Sorbonne, intitulée « psychologie clinique et méthode clinique », devant un groupe d’évaluation psychiatrique composée d’enseignants, de praticiens, et de chercheurs. Cet acte fondateur de la psychologie clinique a laissé une revue portant son nom consacrée au domaine et la constitution de la discipline universitaire, débouchant sur une formation professionnelle, un diplôme qualifiant en France. Cet avènement fonde la spécificité de la psychologie clinique qu’il différencie de l’approche psychanalytique et expérimentale. Cette méthode, que Lagache préfère appeler diagnostic, peut mettre en jeu différentes techniques qui relèvent tout autant d’une clinique armée (instrumentale) que d’une clinique basée sur l’entretient (clinique à mains nues).
Elle se spécifie avant tout à partir de ses objectifs qui visent à envisager la conduite dans sa perspective propre, relever aussi fidèlement que possible les manières d’être et de réagir d’un être humain concret et complet aux prises avec une situation, chercher à en établir le sens, la structure et la genèse, déceler les conflits. Tel est en résumé le programme de la psychologie clinique. Cette méthode applicable à l’homme peut l’être aussi bien pour des conduites normales (comprendre adaptées) ou pathologiques (comprendre inadaptées).
Pourquoi spécifier une sous discipline de la psychologie ? Les enjeux ont divers : il s’agit d’imposer son autonomie par rapport à la philosophie et la médecine, tout en dépassant les impasses auxquelles fait face l’approche expérimentale.
En effet, la psychologie comme discipline existe à partir du 19eme siècle, issue de la philosophie traditionnelle dont elle tente de se défaire pour devenir une discipline scientifique à part entière. Si en philo est on parle de la science de l’âme, la psycho tente de répondre aux critères de la science objective comme les sciences naturelles en particulier. Cette psychologie est dominée par le behaviorisme dans un premier temps et le cognitivisme dans un second. Elle constitue la psychologie objectivante.
Mais cette psychologie a vite atteint ses limites (Michel Foucault) en poursuivant l’idéal de rigueur et d’exactitude des sciences naturelles, la psychologie a été amenée à renoncer à ces postulats. Elle a été conduite à reconnaître dans la réalité humaine, autre chose qu’un secteur de l’objectivité naturelle et a utilisé pour le reconnaître d’autres méthodes que celles que les sciences naturelles pouvaient lui donner en modèle.
La réalité humaine ne relève pas en totalité de l’ordre naturel (question de l’inné et de l’acquis).
Canguilhem : l’objet d’étude de la psychologie est complexe : peut o parler d’une théorie générale de la condition tant qu’on n’a pas défini s’il existe une rupture ou une continuité entre la culture, le langage humain, versus celui animal.
La psychologie se confronte à des éléments où la loi générale ne suffit pas à expliquer un problème. La psychologie a été amenée en conséquent à renoncer aux postulats et méthodes des sciences naturelles. Les sciences de l’homme et en particulier, la psychologie, relèvent de la même démarche que celle des sciences naturelles dont le modèle idéal est donné par le modèle expérimental, si elle suppose d’autres approches spécifiques, la psychologie est confrontée à un dilemme : soit renoncer à l’étude de l’intériorité, de la subjectivité, soit elle doit prendre ses distances par rapport aux sciences nat. Ce dilemme est d’ailleurs toujours d’actualité et suppose un positionnement de la part de chaque psychologue.
Pour cet auteur, la psychologie expérimentale est confrontée à un ordre de phénomène qu’elle ne parvient pas à prendre en compte, par exemple, concernant la question d’actualité de rétention des détenus potentiellement dangereux. Ces secteurs de la singularité (réalité) humaine que va viser la psychologie clinique. La psychologie a été amenée à renoncer aux postulats de la science naturelles : les sciences de l’homme et en particulier la psychologie relèvent elles de la même démarche que les sciences nat.?
Pour résoudre ce dilemme est née la psychologie clinique, au carrefour de la psychanalyse. En insistant sur l’intérêt d’une approche singulière, globaliste de l’humain que Lagache visait à imposer la nécessité d’une nouvelle démarche de construction du savoir (science de l’homme). Il met l’accent sur la notion de personne (l’homme total en situation). Les travaux de Lagache ont servi de base aux travaux plus récents.
On reproche souvent à ses travaux que sa définition s’appuie sur des notions imprécises. Certes les concepts sont peut être clairs pour lui m^me, mais il ne les a pas défini pour les autres. Que veut il dire par conduite (générale, ou conduite de façon différenciée de l’attitude et du comportement?) et personne (sujet? individu? personne?) Comment étudier la personne totale si on ne prend en compte que l’analyse de ses conduites?
D’autres auteurs lui font le reproche de donner beaucoup trop d’importance à certains facteurs, notamment biologiques, au détriment d’autres comme la situation sociale, l’histoire de vie… Enfin, le dernier mais pas le moindre, alors même que Lagache souhaite se détacher de la médecine, il rejoint la norme médicale en faisant du diagnostic la finalité principale de sa discipline. Canguilhem souligne le problème éthique sous jacent à cette définition : ne pas avoir fondé sa psychologie de la conduite sur la définition préalable de l’homme. Prend il le mot conduite dans le sens behavioriste du terme? Il n’y a du moins pas de rupture franche avec le courrant majoritaire.
Ces clivages dominent encore la psychologie contemporaine, et la formation des élèves devrait consister à leur permettre de choisir leur positionnement et de construire un projet en fonction de celui ci pour ceux qui envisagent un master. Pour comprendre la nature du débat qui caractérise de nos jours la psychologie contemporaine, il convient de prendre la mesure du clivage qui compose une psychologie centrée sur l’objet (le trouble, le symptôme) à une psychologie centrée sur le sujet (la personne singulière).
Matalon : « la première approche (naturaliste) nie l’existence de l’homme différent fondamentalement et croit qu’une méthode unique scientifique, selon un mode de raisonnement utilisé en biologie, en physique etc. est applicable à l’homme; il faut donc mesurer, expérimenter, comparer…
Au contraire, le chercheur peut s’identifier et comprendre son sujet. un physicien ne peut pas se mettre à la place d’un électron. Peut on d’ailleurs mesurer les phénomènes psychologiques? Comment faire une science de l’homme?
Dans la psychologie clinique, ces deux conceptions s’opposent avec virulence.
D’un côté la tendance naturaliste objectivante privilégie une clinique instrumentale et tend à se rapprocher du modèle des sciences naturelles. De l’autre, la tendance humaniste, subjectivante et proche du modèle psychanalytique, vise la compréhension de la personne prise dans sa singularité. Certes, il y a des symptômes x et y, mais l’individu a aussi une histoire, un vécu qui donne un sens à ce symptôme.
Un autre courant prend un positionnement tout à fait différent : la psychologie clinique n’existe pas en tant que sous discipline de la psychologie, car elle n’a pas de champ d’exercice, en effet celui ci est si large, qu’il est indéfinissable. Elle ne veut pas se confondre avec la psychopathologie, car elle concerne le sujet sain autant que le malade, indépendamment des tranches d’ages et considère la personne totale en situation, comprenant les évènements, interactions etc. ce qui caractérise le psychologue clinicien, c’est une démarche. Il suffit donc de recevoir des personnes en situation individuelle pour être clinicien.
La démarche clinique se tranche en deux perspectives, l’une relevant du modèle de la clinique médicale, envisageant le symptôme comme signe d’un dysfonctionnement, un trouble d’une harmonie préalable. La psychiatrie et la psychopathologie s’y retrouvent entre autre. elles se basent sur un recensement des symptômes en vue d’un diagnostic.
La seconde prend racine dans le modèle théorique psychanalytique dans lequel le symptôme est considéré comme la marque du sujet qui en est porteur.
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