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L’activité de travail au centre de la situation de travail
L’ergonomie distingue deux composantes du travail humain, dans son approche de la situation de travail : la tâche et l’activité. Le sens de cette distinction fonde sa problématique et définit le point de vue que l’ergonomie adopte sur le travail.
La tâche, ou travail prescrit renvoie à tout ce qui est défini par avance par l’entreprise et donnée à l’opérateur pour réaliser son travail. L’entreprise attribue à chaque poste de travail une ou plusieurs fonctions, met à disposition des moyens techniques (outils,) humains (collègues, équipes) mais aussi toute une organisation du travail et ce, dans un environnement de travail particulier. La tâche attendue est la tache prescrite, explicite ou implicite, telle qu’elle est décrite dans les fiches de fonction et ce que la direction y ajoute de façon orale ou non formelle.
L’activité renvoie au travail tel qu’il se réalise concrètement, elle désigne l’ensemble des objectifs effectivement poursuivi par l’opérateur, désigne les modes opératoires et les stratégies réellement mises en œuvre dans la réalisation de la tâche par l’individu. Elle désigne aussi les outils effectivement utilisés, les coéquipiers sollicités etc. l’activité de travail est la réponse mise en œuvre par l’individu pour réaliser cette tâche dans une situation singulière.
Il existe toujours des écarts entre tâche et activité de travail
Ceux ci sont soit ignorés ou méconnus dans l’entreprise. Par exemple, (Rabardel & al. 1989), un conducteur de machine produisant des joints en caoutchouc a une tâche de contrôle entre autre (conduire); cette tâche est décrite ainsi: toutes les 30 minutes, il dit contrôler deux joints qu’il vient de produire et s’il constate un défaut, il doit arrêter la machine et appeler le régleur.
Lors de l’analyse du travail, on se rend compte que le contrôle est effectué toutes les 8 à 10 minutes et selon l’état du joint, il règle lui même la machine. En général il n’y a pas de défauts: l’opérateur s’est donné un objectif d’anticipation des défauts, ce qui lui évite d’arrêter la machine et de perdre du temps, de la productivité, et décharge le régleur d’une part de son travail, qui est surement déjà sollicité de toutes parts.
L’écart entre le travail prescrit et le travail réel est du à plusieurs facteurs
- L’opérateur peut avoir des difficultés pour se représenter le travail qu’il a à faire, dont la description est parfois obscure ou lacunaire.
Par exemple, sur un site de construction automobile, certains groupes s’autoorganisent, le prescrit est donc vague. - L’opérateur redéfinit le travail à partir de ses propre objectifs et systèmes de valeurs. La tâche est redéfinie : c’est la tâche appropriée. Le travail est toujours redéfini.
Par exemple, une infirmière chargée de faire des piqures à des patients à domicile, lorsqu’elle arrive avant l’auxiliaire de vie, prend sur elle de préparer le petit déjeuner et tient compagnie à la personne âgée dont elle s’occupe pendant un moment avant de faire son travail. - L’opérateur gère en permanence la variabilité et la diversité propre à toutes le situations de travail dans la réalisation de son travaill réel. Une situation de travail est tout sauf stable. Côté entreprise, il y a toujours un outil qui ne marche : la salle de cours est fermée à clé, le projecteur dont on a besoin n’est pas raccordé etc.) Côté opérateur, on a des rythmes biologiques, une vie hors du travail, une formation, une expérience, des automatismes différents. De ce point de vue, l’activité de travail est considérée comme l’expression d’un compromis entre la variabilité de opérateurs, et la variabilité de l’entreprise.
L’activité de travail dépend des conditions de travail
Celles ci comprennent les déterminants internes (liés à l’opérateur) et externes (déterminés par l’entreprise). Cette activité à des conséquences sur le travail et la personne, comme l’entreprise. Au niveau de la personne, cela peut être un effort, un effet sur la santé, sur l’expérience etc. Au niveau de l’entreprise, cela peut être un outil qui casse, un effet sur la productivité.
L’activité de travail a donc une rétroaction, par ses conséquences sur les conditions du travail. L’approche ergonomique se veut, dans ce cadre, systémique. Pour appréhender le travail, les différents éléments ne peuvent être considérés indépendamment de leurs relations entre eux.
Bonjour,
C’est très bien écrit. Cependant, cela pourrait être complété. La tâche n’est pas seulement la tâche prescrite par l’entreprise ou la tâche redéfinie par l’opérateur, c’est aussi la tâche réalisée dont on peut faire le bilan à l’issue de l’activité de l’acteur. Yves Clot (1999) distingue le réel de l’activité, constituée des choix écartés, de l’activité empêchée,… et l’activité réelle , inobservable, qui est l’unité de base de l’échange social auquel elle donne lieu. Il s’agit «d’une triade vivante à la fois tournée vers son objet par les médiations techniques et vers l’activité des autres portant sur cet objet, par médiations symboliques interposées»
(Clot,1999).
L’activité n’est pas seulement complexe et singulière, elle est aussi située (Lucy Suchman, 1988), incarnée (cf Varela et le couplage asymétrique entre l’acteur et la situation),…
Bon courage
Bonjour,
Tout d’abord merci d’avoir pris le temps de me lire, et de m’indiquer quelques pistes à explorer.
La plus grande part du mérite revient cependant à B.Barthe, notre professeur, pour réaliser des cours clairs et intéressants 🙂 (Après tout, je n’ai fait que quelques reformulations sur la base de son cours magistral, et à partir de mes prises de notes).
J’imagine bien qu’il y a des choses à approfondir, d’autant que je n’ai officiellement même pas commencé ma formation en ergonomie à proprement parler.
Je me ferais d’ailleurs un plaisir de parcourir les références citées. En particulier, l’aspect inobservable du travail, en tant que ce qui est fait l’est pour éviter autre chose par exemple est un sujte qui m’intrigue beaucoup.