Obéissance à l’autorité6 minutes de lecture

23 Phénomènes d’obéissance ou soumission à l’autorité

231 Définition

L’obéissance a lieu lorsqu’un individu modifie son comportement afin de se soumettre à l’ordre direct d’une autorité légitime. (Lévine et Pavelchack in Moscovisci : psychologie sociale, PUF, 1984)

Ce n’est pas dans ce cas de l’influence à proprement parler car il existe une pression explicite, extérieure, émanant d’une autorité légitime dans la situation, alors que la pression est implicite et exercée par des pairs dans le cas de l’influence. Ce n’est pas de l’influence sociale car celle-ci s’exerce par la simple connaissance de l’opinion d’autrui : la notion d’ordre va non seulement impliquer une pression mais aussi implique une surveillance active, alors que dans la conformité par exemple, l’influence se produit sans que le groupe surveille l’individu.

232 Expérience

Nous détaillerons ici la fameuse expérience de Milgram, réalisée en 1974, qui a inspiré des films comme I comme Icare, Costa Bravas et d’autres…

Milgram a passé une annonce recrutant des sujets pour une expérience sur la mémoire, plus précisément l’influence de la punition sur la mémoire, rémunérée 4 dollars pour une heure de participation, au moment désiré par le participant (journée, soir, week-end).

L’expérience se déroulait ainsi : suite à une tirage au sort truqué, le sujet naïf se retrouve expérimentateur, et une sujet complice joue le rôle de l’élève. On demande alors au sujet naïf de lire des couples de mots à l’élève, et de vérifier s’il les a retenues. En cas d’erreurs lors du rappel, il est chargé de lui administrer un choc électrique. Ce choc doit être augmenté de 15 en 15V jusqu’à un maximum de 450V, suite à quoi l’expérience prend fin. Bien entendu de telles décharges seraient mortelles, et le sujet élève est un complice dans le but de simuler les effets du choc électrique, celui-ci au passage se faisant un plaisir de donner de mauvaises réponses.

Milgram désire ainsi tester l’influence de différents facteurs sur l’obéissance à l’autorité. Ses hypothèses sont les suivantes :

Plus la victime est physiquement proche, moins l’obéissance sera importante.

Le prestige de l’autorité influence le taux d’obéissance.

La crédibilité, la présence de l’autorité influence le taux d’obéissance.

Pou étudier la première hypothèse, Milgram met en place quatre situations expérimentales : L’éloignement maximal est concrétisé en plaçant l’élève dans une autre pièce, où il ne peut être ni vu ni entendu ; seul au niveau de 350V, il est chargé de mettre des coups dans le mur, puis faire silence de nouveau jusqu’à la fin. La situation éloignée présente l’élève toujours dans une pièce séparée, mais sa voix est audible, l’expérimentateur pourra donc entendre ses cris de douleurs et supplications de cesser l’expérience au niveau des 350V, puis le silence se fait comme dans la précédente. La situation proximale se réalise en mettant en présence l’expérimentateur et l’élève dans la même pièce. Enfin, la situation avec proximité maximale requiert un contact physique entre l’expérimentateur et l’élève, car il devra vérifier que sa main est bien posée sur la plaque électrique pour pouvoir lui administrer un choc.

L’expérience prend fin si l’expérimentateur refuse par trois fois (d’à filé) de poursuivre, ou s’il administre le choc maximal.

En cas d’éloignement maximal, 65% des expérimentateurs vont jusqu’aux 450V. En cas d’éloignement, 63% vont jusqu’au bout de l’expérience, et ce chiffre s’élève encore à 40% lorsque l’élève est dans le même pièce, et 30% lorsqu’il y a un contact physique entre les deux «sujets ».

Concernant l’autorité, le prestige de l’institution pour laquelle travaille l’autorité est de 43% d’obéissance totale pour une autorité fictive, réalisant l’expérience dans un laboratoire délabré, contre 65% s’il s’agit d’une université de prestige.

La source de pouvoir, ici scientifique, est plus efficace en cas de présence de l’autorité sur les lieux (65%) que si elle donne les consignes par téléphone (21% d’obéissance totale).

Une autorité immorale est encore obéie dans 40% des cas. Par immorale, on entend par exemple qu’au début de l’expérience on dit à l’élève qu’on arrêtera l’expérience à sa demande, mais ordonne de poursuivre malgré les plaintes de l’élève lorsque celui-ci demande l’arrêt de l’épreuve.

Milgram imagina aussi modifier les rôles des participants, et observa que l’ordre doit venir d’une autorité crédible, l’ordre d’infliger un choc doit venir d’une autorité plus ou moins insoupçonnable : une figure d’autorité trop jeune, ne portant pas de blouse blanche, etc. sera moins convainquant et donc moins obéi.

La situation doit aussi être logique : Si la victime demande de continuer dans un élan masochiste, alors que le scientifique veut arrêter, cela coupe court à l’expérience. Si la demande est faite par un représentant du scientifique, l’obéissance se réduit à 20%. Si deux scientifiques sont en confit (l’un dit de poursuivre, l’autre d’arrêter), l’obéissance est nulle. Enfin, si le scientifique est lui même assis sur la chaise électrique, et qu’un autre scientifique est présent pour surveiller le déroulement de l’expérience, l’obéissance est supérieure à 60%.

Pourquoi les gens obéissent à une personne d’autorité au point de faire des choses allant à l’encontre de toutes leurs convictions, valeurs ? On vient à distinguer deux modes de fonctionnement de l’homme, deux états psychiques. Le premier état est u état d’autonomie : la personne se perçoit comme un individu qui a prise sur la situation, ne recherche pas à s’expliquer ce qu’il fait, mais s’en donne la responsabilité. Le second est un état d’agent : lorsque la personne se voit comme le rouage d’une organisation, un rouage d’une structure hiérarchique avec des personnes au dessus d’elle qui sont responsables ; une fois que l’individu acquiert cet état d’agent, il va devenir sensible aux ordres et ressentir une responsabilité diminuée de ses actes.

Livre : Eloge de la désobéissance, Broman & Sivan, Fayard : comment une homme ordinaire a pu se rendre complice de la mise a mort de millions de gens en organisant en spécialiste la déportation durant la seconde guerre mondiale : on est d’autant plus agent lorsqu’on ne se pose pas de question sur ce que l’on fait, et que l’on ne sait pas ce que l’on fait, que l’on fait confiance en la hiérarchie (rôle de la perception d’autrui).

Autre livre intéressant sur le sujet : la vie des autres, montre comment un homme sort progressivement de l’état d’agent.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *